Au cœur d’enjeux majeurs pour l’Afrique, la 3eme édition de la Conférence Internationale sur l’Intensification Durable s’est tenue à Dakar, du 23 au 26 novembre 2021.
Cette conférence, co-organisée par l’ISRA, l’IRD, le CIRAD et la DyTAES, a mobilisé près de 200 participants venus de plusieurs pays d’Afrique et d’Europe, d’instituts de recherche et d’enseignement, d’organisations non gouvernementales et paysannes pour partager leurs connaissances en matière d’innovations agroécologiques et d’intégration des territoires en vue de renforcer l’adaptation et la résilience des exploitations agricoles familiales en Afrique de l’Ouest.
Les communications ont porté sur l’urgence d’accompagner la transformation des systèmes de production et de consommation pour assurer un avenir aux générations futures dans un contexte de crises démographique et climatique. L’agroécologie est désormais reconnue par tous comme une solution aux nombreux défis de l’agriculture africaine : l’insécurité alimentaire, l’emploi des jeunes, les changements climatiques, le développement des territoires, la restauration des ressources naturelles.
Une diversité d’acteurs est engagée dans la dynamique de transition agroécologique à travers des partenariats multi-acteurs entre structures et programmes étatiques, institutions de recherche, de développement, ONG, organisations de producteurs et collectivités territoriales. Ensemble, ils mènent des recherches-actions pour réaliser une mise à l’échelle des initiatives agroécologiques.
Cette conférence a été l’occasion de partager des connaissances sur les recherches-actions en cours, d’identifier des obstacles à une mise à l’échelle de pratiques agroécologiques, mais également de produire des réflexions pour appuyer les politiques publiques en vue d’accompagner la transition agroécologique en Afrique de l’Ouest.
L’ensemble des discussions ont permis de mettre en exergue un certain nombre d’évidences :
- Qu’il y a nécessité de réintroduire les arbres en particulier les fertilitaires au cœur des systèmes de production pour répondre à la crise de fertilité des sols et créer des îlots de biodiversité favorables à la durabilité des agrosystèmes ;
- Qu’il y a nécessité de protéger et de promouvoir l’utilisation des semences dites paysannes permettant de favoriser la biodiversité et la résilience des agrosystèmes ;
- Qu’il y a nécessité de renforcer les synergies agriculture-élevage au sein des exploitations et des territoires, par la promotion de l’utilisation de fumure organique et de cycles vertueux de nourriture des animaux ;
- Qu’il existe une diversité de pratiques et d’approches pertinentes accessibles et à adapter aux différents contextes ;
- Que la mise en application des innovations agroécologiques nécessite une approche inclusive des territoires, permettant une intégration et complémentarité des espaces ruraux, péri-urbains et urbains pour la chaine d’alimentation ;
- Que toutes ces initiatives et pratiques ont besoin d’être soutenues par des politiques publiques cohérentes de soutien des options agroécologiques ;
- Que rien ne sera possible sans la transformation des habitudes et des systèmes alimentaires, transformation devant être soutenue par des connaissances endogènes, des évidences scientifiques et des politiques publiques adaptées et accélérées.
- Qu’il y a nécessité de repositionner le conseil et l’accompagnement des agriculteurs sur la durabilité et au cœur de la politique.
Le défi de mise à l’échelle des innovations performantes et d’appropriation des pratiques agroécologiques est au centre des préoccupations de tous. Ce défi nécessite le soutien majeur et sans ambiguïté des politiques publiques.
La table ronde qui a clôturé la CID a porté sur la question suivante : Comment co-construire l’agenda de recherche pour une transition agroécologique ? Elle a permis à des experts d’horizon divers : représentant d’une association locale, maire d’une commune verte, coordinateur d’un mouvement paysan national, chercheurs internationaux et représentant du Ministère de l’Agriculture, de préciser leurs attentes vis-à-vis de la recherche, à savoir :
- changer de posture, regarder des problématiques d’aujourd’hui et travailler en interdisciplinarité et en intersectoriel (cela devrait être enseigné dans les universités) ;
- faciliter le dialogue et la co-construction d’innovations, conseiller par rapport à différentes options et être force de propositions d’actions ;
- aider à construire des modèles agroécologiques productifs, durables et qui permettent d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs ;
- se mobiliser pour accompagner les territoires dans leur transition agroécologique car les collectivités locales sont au cœur du processus ;
- explorer le lien entre les producteurs et les consommateurs dans un changement de paradigme et de nos systèmes alimentaires ;
- évaluer les performances environnementales, techniques et sociales de l’agroécologie pour produire des évidences scientifiques sur le fait qu’elle est une réponse aux multiples défis de l’agriculture africaine via l’intégration des territoires.
En conclusion, il est ressorti des débats et des communications un besoin de synergies et de complémentarité pour un investissement collectif vers l’agroécologique.
La DyTAES qui regroupe une diversité d’acteurs comprenant des paysans, des organisations communautaires de base, des collectivités territoriales, des organisations non-gouvernementales, des chercheurs et des entreprises privées, constitue un premier investissement collectif pour une transition agroécologique.
Le gouvernement a également un rôle essentiel à jouer dans cette transition à travers :
– la mise La mise en place d’un cadre de concertation national intersectoriel et multi-acteurs sur la Transition agroécologique permettrait de définir d’une manière inclusive, une stratégie opérationnelle de transformation de nos systèmes alimentaires basée sur l’agroécologie. Ce cadre de dialogue traduirait une volonté politique forte en faveur d’un développement fondé sur des modes de production et des systèmes alimentaires durables et pourrait être inscrit au cœur de l’initiative Plan Sénégal Émergent (PSE)-Vert.
– l’octroi aux collectivités territoriales de ressources complémentaires et de nouvelles compétences afin que les départements et les communes deviennent des moteurs de la transition agroécologique, rappelons que la TAE a besoin d’être localement contextualisée.
– la reconnaissance et le soutien des territoires pilotes engagés dans la construction de Dynamiques Locales pour une Transition Agroécologique (DyTAEL).